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Il m’arrive très fréquemment de dire que, en JDR (tout du moins ceux maîtrisés par Sa Luminescence), y’a pas de bon choix, y’en a juste des plus ou moins mauvais. En réalité, c’est presque aussi faux que de dire que « si tu ne veux pas souffrir, fait autre chose que du jeu de rôle ». J’essaie toujours (mais vraiment toujours) de sauver les meubles. Qu’il y’ait le moins de morts, de victimes innocentes ou de conséquences graves possible (à Vampire : Budapest by Night  nos actions ont tout de même amené la mort de la quasi-totalité de la population vampirique de la ville, ce qui est simplement inacceptable à mon avis, ça l’était aussi de celui du personnage, j’ai donc entrepris les actions nécessaires pour réparer cette « connerie », bien qu’elle ait été esthétique).

 

Je n’ignore pas que c’est sûrement parce que je suis une brave fille et que je n’imagine pas, dans la réalité, commettre des atrocités. J’en connais qui vous dirait que mon défaut de rôliste (enfin, un de mes défauts de rôliste) c’est que je ne me distancie pas, mais genre, jamais, de mon personnage.

 

Toujours est-il que, distanciation ou pas (et j’envisage quand même d’essayer pour voir, ce qui risque de me demander un gros effort mental, rapport à une implication trop émotionnelle pour me permettre d’intellectualiser facilement), il y’a souvent des choix à faire, en groupe ou pas. Mentir ? Dire la vérité ? Suivre son instinct ? L’exemple le plus frappant qui me vient à l’esprit, est récent. Dans Tribe 8 (je vais essayer de bien expliquer mais sans spoiler), le groupe a commis une bourde (ils ont contrarié une Fatima) qui risque de lui coûter assez cher (enfin, en gros, ils risquent d’être déchus). Le fait est qu’ils disposent d’une information qui peut détourner l’attention de cette Fatima (facilement une des moins sympa) sur quelqu’un d’autre (elle entretient une liaison avec un Déchu, ce qui est strictement interdit). Honnêtement, je n’en menais pas large. La foi de deux des personnages (Ma Morgan et le personnage du Marquis, Mando) les pousse à la délation (oui, je pèse bien ce mot) et j’ai beau tourner le problème dans tous les sens, je ne vois pas comment nous aurions pu faire autrement que d’être honnêtes. Résultat : un PNJ borgne et déchu qui nous hait tous viscéralement (en même temps, on la comprend). De même, un moment vient où la justice nous tombe dessus. Comme nous (enfin,  Mando et Morgan) sommes de braves tribaux (enfin, des tribaux plutôt dociles, encore que…), nous avouons tout, sans même avoir à passer par la torture. Résultat : une bonne centaine de soldat aux portes de l’île des Déchus, prêt à gentiment embarquer tout le monde (enfin, embarquer, je ne suis pas si certaine…). Là, j’avoue qu’on a un peu réagit. Résultat : nous, déchus (enfin, disons que nous avons jugé plus prudent d’éviter de promener nos fesses parmi les tribaux)…

 

De fait, j’ai tendance à toujours essayer d’être « réaliste » et de prendre la décision que je souhaite la plus proche possible de celle que prendrait le personnage. Dans le cas de Morgan, maligne de conduite se résume à « les règles sont faites pour être enfreintes, par contre assume si tu te fais prendre ». Le « jeu » consiste à dépasser les limites et à ne pas se faire attraper. Lorsqu’elle est confrontée à une autorité qui la surprend en train de désobéir (et je tiens à la connotation de ce mot dans ce contexte), elle accepte ses responsabilités sans rechigner. Parce que je l’ai conçue rebelle mais suffisamment intelligente et raisonnée pour comprendre que la rébellion n’a de sens que si elle sert une cause. De fait, refuser d’admettre une faute commise est vain. En revanche, se dresser contre la justice lorsqu’elle n’est plus juste (comme dans le cas d’arrestations « d’innocents ») a un sens. Œuvrer dans le mensonge pour faire admettre aux Fatimas et au tribaux que les Déchus sont toujours des leurs a du sens. J’essaie donc toujours de « décider » dans cette optique (tout du moins dans Tribe 8 ). De même, Héloïse va toujours dans le sens de sa morale qui place le bien du royaume avant son bien-être personnel ou le salut de son âme.

 

Ai-je tort ? Honnêtement, je ne sais pas. Je joue de façon à toujours coller à un réalisme psychologique mais je pense que ça n’est pas une façon unique de gérer les choses. Je pourrais parfaitement essayer d’aller dans le sens de l’esthétique (je le fais plus ou moins mais j’essaie toujours de concilier esthétique et réalisme). Cependant, je pourrais parfaitement décider que l’esthétique prime. Sauf que pour ça, il faudrait que je me pose intérieurement et que je m’interroge sur la conduite la plus « belle ». Et ça, c’est toujours un peu compliqué lorsqu’on se laisse porter. J’ai tendance à suivre mon instinct et à garder la tête dans l’eau pour voir si le récif est toujours là. A jouer autrement, j’aurais l’impression de sortir de moi-même pour admirer la situation d’en haut. Et mine de rien, c’est assez compliqué quand on a l’impression que tout vous tombe dessus sans pouvoir réagir.

 

Toujours est-il que le souci d’esthétique a généralement pour résultat d’obliger cette succession de choix difficiles souvent dans des moments où les décisions doivent être prises rapidement. Que serait Trône de Fer (ça s’est vu que j’aime TdF ? M’enfin, comme c’est à la mode, depuis quelques temps…) si Jon Snow n’avait pas à choisir entre son allégeance à la Garde de Nuit et son amour pour Ygrid ? Si Catelyn n’avait pas à choisir entre libérer Jaime pour revoir ses filles et le garder pour « tenir » les Lannister ? Une œuvre (littéraire, cinématographique etc.) ne « fonctionne » que si à un moment le (ou les) héros sont confrontés à un choix douloureux (c’est d’ailleurs assez à la mode dans les jeux vidéos, ces derniers temps, de proposer aux joueurs d’opérer des choix ayant des conséquences sur la suite de l’histoire. Autant dire que ces choix sont généralement plus compliqués de décider de la couleur du papier peint.). Sans ce type de choix, vous tombez vite dans les travers de Eddings (que j’aime bien, au demeurant, parce que son humour sauve les meubles) chez qui les héros sont tous beaux, valeureux et merveilleux sans aucune psychologie poussée (à quelques exception près et quand c’est le cas, c’est souvent caricatural) et qui prennent toujours les bonnes décisions (mais souvent, ils ont le choix entre sauver le monde, mais « tu pourrais mourir, sauf qu’un dieu/une magie/un artéfact voire les trois te protège, donc tu devrais t’en sortir » ou rentrer faire du macramé à la maison, donc bon, le macramé étant chiant, on va plutôt sauver le monde.). Ca ne veut pas dire que ça n’est pas douloureux. Ca ne veut pas dire que, parfois, je n’ai pas envie d’aller me planquer sous mon lit pour échapper à ce qui m’attend (Ndla : je n’exagère malheureusement pas, j’ai récemment senti une attraction irrépressible pour les moutons qui habitent sous mon lit, faut dire que, derrière une porte m’attendait un rejeton de Nyarlathotep). Mais, il faut être malhonnête pour prétendre que si on se cache les yeux en regardant un film d’horreur, c’est qu’on aurait mieux fait de regarder autre chose. Affronter ses peurs et ses craintes ne nuit à personne, même si après, on se sent obligé de pester comme un chat en colère sur l’imbécile (vous, souvent ou à défaut, le MJ) qui vous a fait subir une telle infamie.

 

Pour en revenir à cette histoire de choix, je crois qu'il ne faut pas trop se tracasser dans l'espoir de bien faire mais plutôt songer à se faire plaisir. Ressentir une belle émotion, faire une action esthétique, écouter son instinct (parce que, le JdR sert aussi à écouter son instinct, chose qu'on a tendance à parfois éviter dans le réel). L'exemple qui me vient à l'esprit est frais. Pour une fois, prenons l'exemple d'une série, c'est-à dire le final de la première saison de Da Vinci's Demons (oui, je sais, ne dis rien et fait gaffe, je spoile un peu). Leo à globalement deux choix. Poursuivre une quête et un intérêt personnel en quittant Florence ou aider la femme qu'il aime  et rester pour sauver Laurent de Médicis d'un complot et la ville au passage. Son premier mouvement (que j'ai trouvé beau parce qu'inhabituel) est de partir. Jusqu'à la dernière minute, le spectateur pense qu'il va partir. En fait, non. Il rebrousse chemin et court sauver Laurent. Le grand homme face à ses responsabilités, en somme. Eh beh, c'était moche. Le type, pendant tout une saison, il poursuit une quête ésotérique de la plus haute importance, quitte à faire des tonnes de sacrifices et au final, il plaque tout (quitte à y revenir ensuite) et se rue vers ses "responsabilités" pour faire plaisir à une donzelle. Etait-ce logique? Sans doute. Etait-ce cliché? Attrocement. Etait-ce beau? Honnêtement, je ne trouve pas. Tout ce que je fais en JdR est-il esthétique? J'avoue que je n'en ai aucune idée, mais je refuse les clichés autant que possible.

 

 

 

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